1982 Musique
de Corps à
Amiens Jean-Robert
Sédano & Solveig de Ory
Musique
de Corps, Fête dans la Bulle, Amiens du 11 au 20 juin 1982
"La musique est produite en direct sans autre intervention que celle du
visiteur. La modulation, le rythme et la polyphonie naissent de la
multiplicité des déplacements dans l'espace: un
geste =
un son. C'est un espace sonore électronique qui
réagit
aux mouvements des visiteurs comme un gigantesque instrument. Quand
l'espace est vide il retourne au silence."
Musique
de Corps a marqué une étape importante dans la
réalisation d'espaces sonores liés aux mouvements
du
public.
C'était
la première fois que j'utilisais vraiment la
vidéo en
direct comme
source d'informations pour produire de la musique. L'idée
était née quelques mois plus tôt avec
les projets
"Tres en
Rayas" et "Spirale". Les essais étaient en cours et filmer
en
plongée m'avait bien
montré comment les mouvements au sol pouvaient
être
captés et concentrés par un objectif. Le fait
d'installer
un espace sonore
dans une bulle gonflable de Hans Walter Müller avait
accéléré la réalisation de
ce projet de
caméra musicale.
Il était impossible de fixer quoi que ce soit sur
les
parois de la bulle, sous peine de perforation et
d'éfondrement
de la structure. Je ne pouvais donc pas utiliser mes rampes
photo-électriques. Mais je pouvais placer directement des
cellules photo sensibles sur un écran vidéo. Il
suffisait
de fixer une caméra sur un pied de projecteur, assez haut
pour
qu'elle filme le sol. Si le sol était noir toute personne
serait vue en variations lumineuses plus claires.
Le dispositif vidéo-sonore était
complètement
analogique. J'avais donc acheté une caméra
vidéo
de
surveillance et un gros moniteur noir et blanc. Je réalisais
de
nouveaux capteurs photo-électriques directement
branchés
sur du courant de 5 volts.
Le câblage
était
effectué en série ce qui offrait une nouvelle
possibilité sonore: dans l'obscurité totale la
trés forte résistance de la cellule
empéchait
pratiquement tout passage de courant, on avait alors une tension proche
de zéro volt. Mais avec un éclairement
progressif, toute
une variété de tensions sortait de la cellule ce
qui
permettait de faire varier les sons ou les effets sonores en souplesse.
Je fabriquais un cache en carton opaque aux dimensions de
l'écran, et le divisais en une dizaine de zones
carrées ou rectangulaires. Dans chaque petit compartiment je
fixais une cellule photo-électrique. Ensuite le cache muni
des
capteurs était plaqué à la surface du
tube
cathodique avec du ruban adhésif noir pour éviter
l'influence de la lumière environnante. L'ennui
était
qu'on ne pouvait plus voir ce que filmait la caméra, mais
une
fois relié aux synthétiseurs analogiques toute
l'image
devenait un processus sonore.
Dans
la bulle, le plancher destiné à "Musique de
Corps" fut
recouvert de plastique noir et la caméra surplombait
l'espace,
supendue avec les projecteurs. En réglant le contraste et la
luminosité du moniteur on pouvait régler l'espace
vide
sur le silence. Les réglages sonores étaient
réalisés en direct, avec de nombreuses
allées et
venues entre le plateau et la régie. C'était une
expérience grandeur nature, qui allait bientôt
connaître de nouveaux développements.
L'année
suivante je réalisais un version numérique sur
ordinateur
en analysant en temps réel le signal vidéo.
J'ai appris quelques années plus tard que l'artiste finlandais
Erkki Kurenniemi avait déjà, en 1971,
réalisé le DIMI-O (instrument musical numérique
à commande optique), avec l'analyse en temps réel du
signal d'une caméra vidéo, puis que l'artiste
canadien
David Rokeby, effectuait des recherches similaires aux miennes,
à
peu
près à la même époque. Tout
comme moi, il
réalisait lui-même ses dispositifs et ses
programmes.
Le plateau de "Musique de Corps"
Ecouter l' interview Musique de Corps-FR3 Amiens 1982.mp3:
La Bulle de Hans Walter Müller
Un
article sur la Vidéo sonore paru dans le "Courrier Picard"
du 16
juin 1982